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JUSTINTERESTING

Cinema, Théâtre, Spectacles mais aussi vie quotidienne.... à partir du moment où c'est ..."Justinteresting".

« La publicité est dans le film » ed. Eyrolles - JM. Lehu

En m’envoyant en avril 2008 son dernier livre : « LA PUBLICITE EST DANS LE FILM » (Editions Eyrolles), Jean-Marc Lehu m’avait prédit « que je ne pourrai plus regarder un film de la même manière ». Après lecture de l’ouvrage, j’ai voulu attendre la sortie en salle de SEX AND THE CITY pour écrire dans Justinteresting et vérifier sa prédiction.

 

Jean-Marc Lehu, Maître de conférence en marketing à l’université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, débute son livre par un recensement exhaustif et minutieux des cas célèbres (ou un peu moins) de cette nouvelle technique de communication qu’utilisent les marques, appelée « placement de produits ».

Derrière les exemples et les faits, on découvre que toutes les stratégies de communication devront à l'avenir intégrer (ou au moins envisager d’intégrer, suivant le produit concerné) cette technique de communication.

 

Je dois reconnaître que je n’avais pas imaginé à quel point un téléphone portable ou une voiture dans un film avait un tel impact sur la marque et laissait un tel message subliminal dans l’esprit du consommateur. Par exemple, impossible pour moi d’envisager l’influence des chaussures de sport jaunes que porte Uma Thurman dans le film Kill Bill en 2003 et la demande du public qui s'ensuivit. A l'époque, j'avais pensé que c’était la marque qui avait profité de l’impact du film pour tenter un nouveau modèle.

 

L’auteur ne se contente pas de dresser une liste des cas cinématographiques, il décline son propos sur le divertissement en général : théâtre, musique, etc. Il explique de plus comment, pourquoi  et avec quelles agences spécialisées, cette technique de marketing sera de plus en plus incontournable.

 

Passons maintenant du livre de JM. Lehu à son application la plus « visible » (et le mot est un euphémisme) dans le film « Sex and the city » sorti en salle en France le mercredi 28 mai 2008. Pour commencer, je dois prévenir les lecteurs de Justinteresting qu’aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’avais jamais vu d’épisode de la série télévisée qui est passée pendant de nombreuses années sur nos écrans (et qui passe encore, me dit-on). De nombreuses copines avaient insisté pour que je le fasse, tant je leur rappelais tantôt  l’une, tantôt l’autre des protagonistes (ceux qui me connaissent trouveront facilement).

Mais bizarrement je ne me suis jamais trouvée là au bon moment devant mon écran. J’ai une incapacité innée lorsqu’il s’agit de loisirs, à ce qu’un horaire me soit imposé et j’ai par conséquent du mal à me brancher sur une série TV sachant pertinemment que je n’en connaîtrai jamais la fin.

Revenons à SEX AND THE CITY ; j’avais tout de même lu beaucoup d’articles de presse sur la série et je savais un peu à quoi m’attendre au niveau du scénario. Presque tous relataient le foisonnement des marques présentes dans le film (pas moins de 163 marques dixit CB News du 28 avril 2008). Vraiment too much à mon goût. Normalement tout le monde aurait dû retenir Mercedes et Sephora au vu de l’accompagnement publicitaire et du buzz apparemment déclenché. Quant à moi, les marques qui m’ont personnellement frappée sont Louis Vuitton et Vivienne Westwood. Le sac Louis Vuitton de l’assistante est au centre de plusieurs scènes de l’histoire et l’objet devient un prétexte au scénario amusant et même affectif. Ensuite, pour ce qui concerne Vivien Westwood, comment une femme pourrait-elle oublier le style et la beauté de la robe de mariée de Carrie fournie par le couturier ? 

 

Pour conclure, questions à Jean-Marc Lehu :

 

 

 

CS : Je me suis demandé comment vous aviez réussi à dresser une liste de cas de placements de produits avec autant de détails. Il y a des films de toutes sortes ; beaucoup sont américains (puisque la technique vient d’abord des US) et quelques-uns français. Même si cette liste peut paraître fastidieuse a priori au lecteur, elle constitue pour les étudiants, les communicants, les producteurs, et bien d’autres un document de travail unique. Comment tout ceci vous est-il venu à l’esprit ?

JML : Ce livre est un projet ancien, ce qui a permis d’accumuler au fil du temps, travaux de recherches, exemples, analyses et anecdotes sur cette technique de communication originale. Et à vrai dire, je crois qu’il n’y a pas grand mérite à « devoir » aller au cinéma, regarder la télévision, lire des romans et jouer avec des jeux vidéo… pour pouvoir écrire un livre ! Mais plutôt que de le dire ainsi à l’acheteur lecteur potentiel – il faut bien soutenir le secteur de l’édition ! -, sans doute est-il préférable d’expliquer que : « ce minutieux travail de bénédictin s’est fait dans la souffrance intellectuelle d’une recherche académique et illustrative longue et laborieuse au profit d’un savoir universel… »

Maintenant, et plus sérieusement, le détail auquel vous faites allusion est l’ordinaire respect dû au lecteur. C’est ce qui lui permettra de comprendre, même s’il n’a pas vu le film, ou s’il est novice en marketing. Au final, il devrait être en mesure de mieux appréhender les motivations des différentes parties prenantes, ainsi que les techniques et les méthodes utilisées pour intégrer dans son programme de divertissement, les marques de son quotidien.

Enfin, l’ego de l’auteur ne peut être que flatté par l’expression « travail unique » de votre question. Il faut toutefois garder à l’esprit que voilà plus d’un siècle et demi maintenant, Honoré de Balzac parsemait déjà ses œuvres de marques. Qu’au début du XX’ siècle tous les producteurs hollywoodiens d’un cinéma encore naissant, de Carl Laemmle à Adolphe Zukor, courtisaient déjà les marques pour obtenir leur coopération en échange d’une apparition à l’écran de leurs produits… Ou encore que des peintures célèbres d’Edouard Manet (1882) ou plus récemment d’Edward Hooper (1940) comportaient elles aussi des placements de marques. Aucun vecteur culturel ne peut y échapper. Car les marques font partie de notre vie, qu’on les adore ou qu’on les haïsse. Qu’elles soient génératrices de lien social ou l’expression de statuts aux cloisons étanches. Puisse leur entrisme culturel être simplement aussi stratégique que modéré, afin de ne nuire ni à leurs objectifs économiques légitimes, ni à notre juste divertissement.

 

CS : Dans Le Monde du 15 mai 2008, Laurence Girard cite Jean-Patrick Flandé, PDG de Film Média Consultants, « une des agences qui marie marques et cinéma » qui dit : « Petites sociétés comme grandes marques nous contactent spontanément pour être dans les films. Elles cherchent des moyens de communiquer alternatifs ».

Je pense pour ma part que cette aubaine profite surtout au cinéma. Les producteurs auraient ainsi trouvé un moyen supplémentaire pour rentabiliser plus vite leurs investissements sans attendre sorties en salle + passages TV + dvd + ventes au TV étrangères. Quel est votre avis ?

JML : Les bons agents en placement de produits et de marques sont rares, car cela nécessite une double compétence cinématographique et stratégie de marque. Jean-Patrick Flandé est incontestablement un vrai professionnel du placement au cinéma, car il est perpétuellement à la recherche de partenariats où marques et production cinématographique tirent profit à part égale du placement. Ce qui n’est toujours évident lorsque naît d’un côté ou de l’autre, l’idée de placer ou d’utiliser une marque à l’écran, a fortiori en France où les fondamentaux de la techniques ne sont pas encore bien maîtrisés par tous les acteurs.

Penser que c’est surtout le cinéma qui est bénéficiaire peut paraître réducteur. Compte tenu d’un univers hyperconcurrentiel et d’un nombre toujours croissant de messages sollicitant le consommateur (un peu plus de 5000 au quotidien dans une économie développée), l’opportunité d’apparaître dans un contexte qui ne soit pas commercial devient un réel atout pour les marques. A fortiori, si l’on considère le potentiel d’expositions récurrentes (bande-annonce éventuellement, sortie cinéma, dvd ou téléchargement, chaînes payantes puis gratuites, rediffusions…). De plus, tous les placements ne sont pas monnayés loin s’en faut. L’année dernière, dans le monde, tous vecteurs confondus, les marques ont payé environ 4,4 Mds de dollars (dont un gros quart au cinéma) pour des placements. Mais cela ne représente qu’environ 1/3 de l’ensemble des placements réalisés. Les deux autres tiers reposant sur des partenariats et/ou des échanges marchandises et/ou des prêts…

Qu’un placement se situe à la confrontation de deux objectifs - l’un consistant à alléger et/ou faciliter la charge de la production, l’autre à trouver comme vous le mentionnez judicieusement des moyens alternatifs complémentaires de communication - me semble positif. Car seule la prise en considération simultanée de ces deux objectifs peut permettre la réalisation d’un placement « intelligent » qui ne lèse pas le spectateur.

 
CS : Et 163 marques pour Sex and the city ? Ne croyez-vous pas que « trop de marques tuent les marques » ?

JML : Votre question devrait être le leitmotiv de toute marque s’engageant dans un projet de placement au cinéma. Passée une dizaine de marques par long métrage, la visibilité, le parasitage, la sensation d’un matraquage publicitaire ruine rapidement la stratégie de placement, si tant est qu’il y en avait une au départ. Le but n’est pas d’apparaître coûte que coûte sur un écran pendant qu’une scène s’y déroule. L’objectif est - ou devrait être - que la marque ou le produit puisse être le mieux possible intégré(e) à ladite scène. Ce n’est que dans ce cas que le placement apparaîtra logique voire naturel. Ce n’est que dans ce cas qu’il gagnera en notoriété, voire en sympathie, influençant dans le meilleur des cas l’attitude et parfois même le comportement du consommateur potentiel.

Ce qui signifie que les bonnes opportunités sont et demeureront extrêmement rares. Pour ne considérer que le cas du cinéma, chaque année, il n’y a pas tant de films dont l’histoire, le lieu, le contexte et les personnages se prêtent idéalement à un placement de la marque X, au moment donné de sa vie où il est envisagé.

Dans le cas de Sex and the City, il s’agit naturellement d’un cas particulier où déjà dans la série, les quatre personnages féminins principaux évoluaient dans un environnement où les marques (notamment luxueuses) avaient leur place. Ces multiples marques étaient « utiles », notamment quant à l’image et au statut qu’elles pouvaient conférer aux différents personnages. Cela pouvait même ainsi aider le spectateur à les situer dans la société de consommation moderne, et plus intéressant encore, les unes par rapport aux autres. Mais cet aspect « commercial » de leur vie me semble toutefois avoir été quelque peu exacerbé dans le film. C’est dommage pour le film. C’est regrettable pour les marques. C’est ennuyeux pour le spectateur. Et là où l’on aurait éventuellement pu imaginer une telle overdose traitée au second degré, ou même avec une certaine ironie, il n’en est rien. Or, penser qu’aujourd’hui le consommateur spectateur puisse encore être dupe, c’est manifestement ne pas avoir croisé son chemin depuis une éternité…

Merci pour vos réponses. Une chose est certaine : ce livre sera évidemment une base solide pour l’enseignement du marketing dans les universités.


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